La maison comme ressourcerie et matériauthèque domestiques

Extrait de l’état de l’art : l’économie circulaire à hauteur d’habitant disponible en open source sur le site de Leroy Merlin Source : https://www.leroymerlinsource.fr/habiter/leconomie-circulaire-a-hauteur-dhabitant/

Cet état de l’art introduit une recherche en cours à venir portée par Leroy Merlin Source et CITEO.

En travaillant sur la question du recyclage domestique ou de la réutilisation sans cession (chapitre précédent), la maison apparaît le lieu de l’accumulation et du traitement de matériaux devenus composants pour de nouvelles réalisations.

Les pavillons des années 50-70 révèlent des qualités favorables à une économie circulaire domestique visant la réutilisation des matériaux dans les pratiques de rénovations et notamment d’auto-rénovation. Construits à une époque où l’on peut encore parler non seulement de maison de maçon, mais aussi de maison de charpentier, de menuisier, de ferronnier, etc., ils contiennent des éléments remarquables qui font leur charme et qui ont été fabriqués pour durer : ferronneries et carrelages ; portes, parquets et escaliers en bois ; radiateurs en fonte. De plus, la période actuelle étant très marquée par la mode du vintage, les arbitrages entre ce que les habitants conservent ou écarte sont souvent favorables. Mais les filières professionnelles s’y intéressent peu. Il serait utile de sensibiliser voire de former les artisans à la reprise et au réemploi de matériaux présents sur site (Hamon, Rougé, Soichet, 2022)[1]. La réutilisation de ces matériaux s’inscrit dans une logique de recherche d’économies dans l’aménagement.

Certaines pièces de la maison sont également des espaces de stockage d’objets, envisagés come potentiels matériaux, pour la production de nouveaux équipements, aménagements, objets domestiques à l’image de certaines pratiques traditionnelles des milieux ouvriers (Monforte, 2001). Le garage, mais aussi le grenier ou la cave, sont alors des espaces de créativité par la recherche de solutions à moindres coûts, adaptées aux besoins et un lieu de stockage et de recyclage, par le bricolage, de possibles matériaux. La récupération et réutilisation s’y fait jour. D’une part, le mobilier y est stocké pour être retravaillé et traité afin de s’insérer au mieux dans le garage. Les meubles d’une ancienne cuisine deviennent des armoires de rangement lorsqu’ils sont réagencés les uns sur les autres. Chaque meuble devient un composant pour une nouvelle composition. D’autre part, le garage accueille des stocks de pièces au détail qui font aussi l’objet d’un processus de récupération. Les planches d’anciens meubles, du bois de récupération, des chutes, des achats qui se sont avérés non adaptés au logement, des clous récupérés, des chiffons, des peintures ouvertes, des surplus de carrelages sont récupérés, stockés un temps avant de révéler leur utilité, puis traités, redimensionnés et réutilisés (Pradel, 2018)[2].

Dans le grenier, garage, cave, l’objet stocké se vide peu à peu de sa substance affective ou fonctionnelle (Beldjerd et Tabois, 2014)[3] et apparait alors comme source de composants potentiels à réutiliser et récupérer Ces pratiques sont valorisées comme des pratiques durables et économiques. Elles démontrent une ingéniosité dans la réutilisation et une créativité dans la valorisation de pseudo-déchet qui, conservés, révèlent peu à peu, selon les besoins et selon un processus de refroidissement ou de révélation des choses, pour une part leur potentiel de ressource, pour une autre part leur destin de rebus.

La maison agit alors comme une centrale de collecte de matériaux et objets voués au rebut, parfois récupérés de l’extérieur, parfois réemployés tels-quels, parfois traités et cédés, parfois démontés pour réutilisation de certains éléments. La maison devient une matériauthèque pour répondre aux besoins évolutifs d’aménagement à court ou long terme via la réutilisation de composants et fragments d’objets, eux-mêmes pouvant être stockée et classées à la manière d’une ressourcerie, dans des pièces identifiés, pour du réemploi en boucle fermé.

Par Benjamin Pradel


[1] Soichet H, Hamon V., Rougé L ., 2022,Réenchanter le pavillonnaire urbaine des années 1950-1970, Les Chantiers Leroy Merlin Source.

[2] Pradel B., 2018, Les usages du garage, Les Chantiers Leroy Merlin Sources.

[3] Sofian B., Tabois S., 2014, « Le grenier, espace de retournement des choses », Socioanthropologie, 30, p. 21-31.

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